Pour retrouver, au travail comme dans sa vie personnelle :
– le charme de l’instant présent en redécouvrant le gérondif,
– un futur optimiste sans déni des risques,
– une relation au passé sans nostalgie toxique,
& fuir les conditionnels et les impératifs !
Un très bel article de Michel Lejoyeux pour commencer l’année avec un regard optimiste, calme & posé.
Michel Joyeux est psychiatre & auteur des 4 temps de la Renaissance – Programme complet pour surmonter les crises
La situation de crise et d’imprévisibilité que nous connaissons en ce début d’année est une raison de plus de cultiver les pensées et anticipations qui protègent ou font du bien. Les crises personnelles font perdre en partie les repères temporels. Il en est de même des grands bouleversements comme celui que nous fait vivre la pandémie avec ses vagues et variants. Ce désordre du corps et de l’esprit, cette sensation de vertige est complètement normale à condition que l’on ne soit pas atteint d’une maladie dépressive ou anxieuse imposant un traitement. On y résiste et y répond en mobilisant des ressources de santé et de renaissance adaptées à chacun des temps qui a été bousculé. Il est ainsi possible de retrouver une manière apaisée d’envisager et de vivre son passé, son présent et son futur. On peut apprendre à conjuguer ses émotions et à cultiver une nouvelle tranquillité face au passé, un nouveau calme dans l’instant présent et un optimisme raisonnable pour le futur. Enfant, vous aviez appris vos tables de conjugaison. Adulte, vous allez revisiter vos temps. À partir de ma pratique et des recherches que j’étudie ou auxquelles je participe, je me suis construit une « boite à outils de renaissance » par reconnexion aux temps. Toute crise, personnelle ou collective, trouble notre relation au temps. Nous ne savons plus où nous en sommes face à un présent inquiétant, un passé que l’on voudrait oublier et un futur menaçant. En m’inspirant de la nouvelle version, récemment parue au Livre de Poche, des Quatre Temps de la renaissance, je vous invite à retrouver le sens de quatre temps que les crises chahutent particulièrement : le passé, le présent, le futur et le gérondif.
Il nous faut d’abord nous réapproprier le passé en général et, en particulier, les souvenirs de ce que nous ont imposé les crises collectives comme la pandémie, les crises professionnelles ou les crises personnelles. Certains vont avoir besoin de se raconter leur passé, de le revivre, de l’expliquer, tandis que d’autres préféreront l’oubli, le silence, le voile de pudeur, la tête en avant dans le guidon. Comme il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de vivre son passé, il faut juste trouver celle qui nous va, comme une paire de chaussures à notre taille. Pour cela, demandons-nous si l’on préfère, après un choc, la renaissance par l’oubli ou par le souvenir. Si l’on a besoin de souvenirs, il n’est pas inutile de les orienter un peu, de chercher ce qui nous donne aujourd’hui encore des raisons d’être fiers de nous. La psychologie moderne propose des expériences étonnantes pour faire la paix avec son passé. L’esprit a la capacité de transformer ce qu’il a vécu, de le digérer comme l’estomac digère un repas. Le savoir est déjà apaisant.
Le deuxième temps de la renaissance, qui n’est pas le plus simple, est le présent. Vivre le présent, s’intéresser à son corps autant qu’à son esprit est une manière de renaître. Pour continuer à vivre le présent malgré les menaces passées ou encore actuelles, il va falloir reconnaître nos émotions et les besoins de notre corps. La renaissance dépend de la façon dont on se réapproprie son esprit et son physique ici et maintenant, sans se croire malade en permanence, ni attendre de chaque instant qu’il soit un délice absolu. Une rencontre, un attachement fort, un aliment, un livre ou une musique peuvent nous réconcilier avec un présent, aussi menaçant ou précaire soit-il.
Le futur est le troisième temps indispensable à la renaissance. Même si nous sommes revenus de l’optimisme à tous crins, même si notre futur est encore incertain, il n’est pas inutile de cultiver une dose d’anticipation positive, réaliste certes mais résolue. S’imaginer un futur acceptable, le visualiser, est une manière de le faire arriver en dépit de toutes les catastrophes annoncées ou possibles. Toute prophétie porte en elle une part d’action sur l’événement qu’elle annonce. C’est particulièrement vrai des prophéties optimistes et réalistes qui augmentent notre «capital de renaissance». Nous pouvons nous entraîner à imaginer et à mettre en image notre futur, sans nier les drames bien sûr, ni les menaces passées et celles qui sont encore devant nous. Nous avons besoin, en sortie de crise comme à d’autres moments, d’ordre pour vivre et d’un peu de désordre pour revivre.
Le dernier temps de la renaissance est le gérondif. En grammaire, il est constitué d’un participe présent précédé de « en ». En chantant, en regardant, en écoutant, en aimant, sont des gérondifs. Ils décrivent ce que l’on peut aussi appeler la pleine conscience et le lâcher-prise. Le gérondif, c’est la profonde dégustation de notre vie quotidienne, sans laisser les séquelles d’un passé envahissant ou de fausses contraintes la polluer. Vivre en gérondif suppose de vivre en lisant, en tenant un journal, en pratiquant quelques expériences de détente à mi-chemin de la relaxation et de la déconnexion de son présent inquiétant. Là encore, le plaisir du gérondif peut se découvrir et s’entraîner à partir de pratiques validées.
Cette redécouverte des quatre temps de la renaissance fait revenir aux défenses fondamentales. C’était déjà utile avant la pandémie pour toutes les crises personnelles et collectives. C’est encore plus vrai après les changements de repère, d’habitude et de mode de pensée imposés par l’actualité récente.